Les types de personnalité

Limite

Qu’est-ce que la personnalité Limite?

Description courte

Nous vous invitons à lire les fiches descriptives du site personnalite.ca , de l'Association québécoise Pour les soins et la recherche en troubles de la personnalité 

Par Dr Simon Poirier de personnalite.ca

Critères
Âge du diagnostique
Évolution
Traitement

Mode général d’instabilité des relations interpersonnelles, de l’image de soi et des affects avec une impulsivité marquée, qui apparaît au début de l’âge adulte et est présent dans des contextes divers, comme en témoignent au moins cinq des manifestations suivantes :

  • Efforts effrénés pour éviter les abandons réels ou imaginés (NB : ne pas inclure les comportements suicidaires ou les automutilations énumérés dans le critère 5.)

  • Mode de relations interpersonnelles instables et intenses caractérisé par l’alternance entre des positions extrêmes d’idéalisation excessive et de dévalorisation.

  • Perturbation de l’identité : instabilité marquée et persistante de l’image ou de la notion de soi.

  • Impulsivité dans au moins deux domaines potentiellement dommageables pour le sujet (p. ex. dépenses, sexualité, toxicomanie, conduite automobile dangereuse, crises de boulimie) (N.B. : Ne pas inclure les comportements suicidaires ou d’automutilations énumérés dans le critère 5.)

  • Répétition de comportements, de gestes ou de menaces suicidaires, ou d’automutilations.

  • Instabilité affective due à une réactivité marquée de l’humeur (p. ex. dysphorie épisodique intense, irritabilité ou anxiété durant habituellement quelques heures et rarement plus de quelques jours).

  • Sentiments chroniques de vide.

  • Colères intenses et inappropriées ou difficulté à contrôler sa colère (p. ex. fréquentes manifestations de mauvaise humeur, colère constante ou bagarres répétées).

  • Survenue transitoire dans des situations de stress d’une idéation persécutoire ou de symptômes dissociatifs sévères.

Références :

  • DSM 5 TR

  • Lalonde

  • Merck Trouble de la personnalité limite (borderline) https://www.merckmanuals.com/fr-ca/professional/troubles-psychiatriques/%EF%BB%BFtroubles-de-la-personnalité/trouble-de-la-personnalité-limite-borderline#Symptomatologie_v25246799_fr


Description longue

L’humain possède en lui un univers tout aussi riche et complexe que celui dans lequel il vit. Dans ce monde personnel et intime, les émotions font figure de marées : elles viennent et elles partent avec leurs crêtes et leurs creux, parfois sans tenir compte des prédictions météorologiques. Elles peuvent être à l’origine ou la conséquence d’une réaction en chaîne complexe mêlant émotions, pensées et comportements. La joie, la colère, la peur, la surprise, le dégoût, la tristesse sont universels, innés et surtout spontanés. Avec le temps, les émotions se complexifient et se raffinent, mais demeurent toujours aussi primaires qu’au début. Leurs fonctions sont multiples, tantôt pour la survie, tantôt pour se défendre, tantôt pour connecter avec l’autre, et elles transmettent à chacun une meilleure compréhension de l’état mental, des besoins et des envies, ce qui permet de calibrer les objectifs et les buts dans la grande traversée de la vie. 

Une préoccupation qui soulève plusieurs émotions, notamment la crainte du rejet et de l’abandon, qui prennent plusieurs formes et visages. Chaque humain, face à la mise en péril de ce lien, peut réagir différemment. Les déclencheurs peuvent être flagrants : une rupture, un licenciement, ou des signes plus subtils, comme des brises contradictoires, des intempéries, des précipitations attendues telles qu’un lapsus, une absence, un oubli, un manquement dans son engagement, une erreur involontaire. Parfois, la sensibilité permet d’affiner l’émotion, aidant la personne à décrypter rapidement les non-dits, les messages en Morse, et à réagir promptement à son environnement. À l’opposé, lorsque l’émotion déborde, elle peut entraîner une cascade devenant une vague grandissante, se fracassant sur le rivage, et engloutissant une partie de la stabilité, jusqu’à ce que le calme revienne. Pour certains, ces variations intenses sont plus fréquentes et génèrent des tempêtes : les vagues rugissent et laissent présager des reflux houleux. Après la tempête, l’eau semble calme, mais ces mouvements toniques n’ont pas seulement affecté les proches sur les rives, mais aussi tout ce monde interne, où la culpabilité, la honte, les regrets et les remords prennent place, engloutissant ces personnes dans une souffrance intérieure. Cette émulsion transitoire traduit le besoin d’attachement, d’appartenance et de sens, qui cohabitent en chaque humain à travers des relations construites avec les autres et avec soi-même. 

 

À force de tempêtes, les fonds marins se soulèvent et s’altèrent, transformant la configuration et fragilisant cette structure stable. Ainsi, le moindre changement de température, de courant marin, le degré de salinité, ou de pH déclenche des catastrophes et met en péril toute l’architecture menant la personne dans les perturbations aquatiques du trouble de la personnalité limite. Une personne atteinte d’un trouble de la personnalité limite se retrouve catapultée dans une mer en perpétuelle agitation, sous des apparences calmes, l’eau étant en éternel mouvement, alerte. Sensible aux moindres chuchotements d’Éole, maître des vents marins, au moindre débarquement, aux modifications dans l’horaire ou à un geste certes anodin mais inattendu pouvant être interprété comme un abandon par les autres, même si l’intention n’était pas présente. La personne va tenter par tous les moyens d’éviter la séparation, afin d’infirmer qu’elle n’est pas une mauvaise personne. Devant des émotions intenses et dévastatrices, le désespoir pétrifiant et la colère brutale, l’amalgame marécageux d’émotions désagréables, les vagues muent en tempête jusqu’à pouvoir atteindre la hauteur des tsunamis. Face à la séparation réelle ou imaginée, l’humeur décime tout sur son passage, allant jusqu’à modifier les comportements, les pensées, les décisions prises précédemment. Ces soulèvements, parfois plusieurs à la fois, mènent la personne à se sentir ballottée telle une bouée dans tous les sens, incapable de retrouver un rivage stable ou même un radeau un tant soit peu solide, pour reprendre le contrôle. Le contexte peut paraître banal, de l’extérieur il produit une tempête dans un verre d’eau mais pour la personne qui le vit un verre d’eau peut déclencher une tempête. Cette colère se transforme rapidement en tourbillon de rage, se déchaînant sur l’autre. Cet emportement s’exprime par des mots et également des gestes. Cette instabilité aux élans imprévisibles se répercute dans l’ensemble des sphères de la vie de la personne, menant à des tensions, des querelles, des ruptures et un climat houleux. L’autre est perçu comme indispensable, se retrouvant entre le raz-de-marée et le bord de la mer, adulé et démonisé, oasis et triangle des Bermudes. Cette oscillation permanente d’être un jour attaché au mât avec frénésie et l’autre rejeté, jeté par-dessus bord par peur de l’abandon, épuise leur entourage, qui ne parvient plus à démontrer leur allégeance sans faille. La pensée est ainsi réduite, ne voyant que les deux pôles sud et nord, sans prendre en compte l’immensité du globe entre les deux. Le milieu professionnel est fragilisé par ces ondulations fréquentes et soudaines, ces typhons émotionnels, limitant l’avancement, réduisant les opportunités et endommageant les possibles collaborations et camaraderies. L’agitation des fonds marins tout comme des vagues menant à prendre des décisions dans la précipitation, dans l’impulsivité ne parvenant pas à voir plus haut que les vagues périlleuses. Ainsi des comportements à risque peuvent surgir dont la consommation de substances, une alimentation chaotique, des conduites dangereuses en mer et à crédit, tout comme un choix de partenaires qui s’apparentent à des pirates, pillant, volant sans protection ou préavis. 

 

Quel que soit l’état de la mer, d’apparence calme ou agitée, les fonds marins sont troubles maintenant un état d’alerte. Au fin fond des abysses, la personne atteinte d’un trouble de personnalité limite se retrouve prisonnière dans un silence oppressant érigé par un sentiment, une conviction d’un vide au fond d’elle-même. Ce gouffre la tire et l’entraîne vers le fond dans les profondeurs, la laissant en suspens. Ce vide est accompagné de l’impression de ne pas savoir ce qu’elle est, qui elle est. Elle s’y dissout et s’étouffe par le manque d’oxygène des profondeurs. L’identité se retrouve inconsistante et sans repère stable. Afin de tenter d’y remédier, la personne peut essayer de changer successivement des caractéristiques de son identité à travers des amis qu’elle côtoie, les valeurs qu’elle suit, les habits qu’elle porte, les opinions qu’elle partage, la carrière qu’elle poursuit. Devant cette notion de soi fragile, cette quête de sens et de reconnaissance insatiable et jamais assouvie, une souffrance intérieure destructrice naît. Celle-ci peut être à l’origine ou influencer les idées, les gestes d’automutilation et suicidaires, qui parfois aboutissent à l’abysse de la mort. Ces idées et ces gestes peuvent aussi être une façon de sortir des sables du fond de la mer, même si ces mêmes actions ajoutent une nouvelle ancre à leurs pieds. À d’autres moments, quand un stress intense ou un abandon important est vécu, les profondeurs engloutissent la personne dans les limbes où la lumière ne traverse plus et la noirceur de l’eau altère la perception et le contact avec l’environnement. Donnant l’occasion à des idées hostiles de devenir réalité transitoirement, malgré l’absence d’éléments pour la supporter. Également, dans ces situations, une sensation de flottement, de brouillard entre soi-même et le monde, ou entre soi-même et soi, comme si le psychique s’était séparé du corps dans le processus, peut survenir. Même si ces états sont transitoires, ils n’en demeurent pas moins effrayants et douloureux. En revanche, ce qui demeure enfoui sous les différentes couches de l’océan est ce sentiment de ne pas être une bonne personne, ravageant l’être de honte et de culpabilité, nourrissant ces monstres marins. Tel un matelot superstitieux qui croit au cyclone lorsque l’océan est trop calme, la personne préfèrera mettre fin à cette chimère d’accalmie plutôt que d’attendre que la prédiction se réalise. Préférant porter le coup plutôt que de le recevoir. 

 

En dessous des tréfonds marins, de l’agitation, des vagues et des tonnerres, se retrouvent des joyaux marins, dont la compassion, l’intuition, l’authenticité, qui ressortent lorsque les conditions métrologiques s’apaisent et peuvent même ressortir complètement, afin d’être retrouvés.

 

Dans ces secousses perpétuelles, il devient difficile de retrouver son cap. La personne atteinte d’un trouble de la personnalité limite se retrouve, malgré elle, dans une tempête vertigineuse, poussant et repoussant les autres et un peu elle-même à chaque déluge. S’éloignant des côtés, s’éloignant des autres, la personne se retrouve à la dérive, voguant avec seule compagne la solitude. Quelle que soit la stratégie de navigation, voguer, se laisser aller, ramer avec le courant ou à contre-courant, la personne n’échappe jamais à l’ouragan, sans parvenir à comprendre à quelle divinité marine elle doit ce supplice. En cherchant une stabilité immobile, la personne oublie ou perd de vue que celle-ci est tout sauf figée. La stabilité, c’est la manière d’accueillir la mer telle qu’elle est, avec sa houle formant ses ondulations, son écume, ses courants, ses splendeurs et ses profondeurs, sans faire naufrage afin de définir soi-même son voyage.


Par Dr Katerina Sanchez-Schicharew, publié le 17-10-2025