Les types de personnalité
Narcissique
Qu’est-ce que la personnalité Narcissique?
Description courte
Nous vous invitons à lire les fiches descriptives du site personnalite.ca , de l'Association québécoise Pour les soins et la recherche en troubles de la personnalité
Par Dr Simon Poirier de personnalite.ca
Mode général de fantaisie ou de comportement grandiose, de besoin d'être admiré et de manque d'empathie qui apparaissent au début de l'âge adulte et sont présents dans des contextes divers, comme en témoigne au moins 5 des manifestations suivantes :
Elle a un sens exagéré et non fondé de son importance et de ses talents (mégalomanie).
Elle est absorbée par des fantasmes de succès illimité, d’influence, de pouvoir, d’intelligence, de beauté, ou d’amour idéal.
Elle croit qu’elle est spéciale et unique et qu’elle ne devrait fréquenter que des personnes du plus haut calibre.
Elle a besoin d’être admirée sans réserve.
Elle pense que tout lui est dû.
Elle exploite les autres pour parvenir à ses propres fins.
Elle manque d’empathie.
Elle envie les autres, et croit que les autres l’envient.
Elle est arrogante et hautaine.
Référence :
DSM 5 TR
Lalonde
Narcissim : What you must know, https://www.youtube.com/watch?v=V87G95bGTTk
Variation de l’estime de soi dans le trouble de la personnalité narcissique,https://static1.squarespace.com/static/63c5abbf4e7dcf7395056a35/t/6546843a434211233b2f24ac/1699120187527/FICHE+11+-+Variation+de+l%27estime+de+soi+dans+le+TPN+PDF.pdf
Description longue
L’estime de soi est une matière fondamentale, élément transparent primordial dans la fondation psychologique d’un individu. Ce matériau renvoie au sentiment de reconnaître sa propre valeur. L’estime de soi se construit dès l’enfance, comme un verre en fusion qu’on façonne, qu’on dresse et qu’on redresse. Ce processus se poursuit et se solidifie à l’âge adulte. L’empathie est un ingrédient vital pour y glisser de la couleur, de l’éclat au chef-d’œuvre à en devenir. Toutes les deux servent de base sur laquelle les relations humaines se reflètent, se reposent et grandissent. L’estime de soi agit comme un miroir, plus il est poli, travaillé, entretenu, plus l’image de soi qu’on renvoie au monde est fidèle. Sa solidité, comme celle d’une vitre épaisse, permet à la personne de traverser les tempêtes de la vie sans voler en éclat. Alors que l’empathie permet l’épanouissement du verre, et son envoûtement. Le magnétisme de la personne est ainsi projeté en permettant de connecter avec autrui. Quand l’estime de soi est ancrée au sein d’un support résistant, elle permet la transparence et la robustesse d’un verre trempé. Ainsi la personne peut avancer, fière de ses réussites, en mesure de se relever devant les échecs sans craindre la fissure identitaire. Elle n’a pas besoin de rechercher son reflet dans les lentilles des autres, elle reconnaît sa valeur et sa légitimité dans ses décisions et ses perceptions. Alors que si l’estime de soi est déposée sur un vernis fragile tel une vitre fine, chaque mouvement, chaque interaction créent une secousse, un risque de fracture. C’est alors qu’une chasse au miroir naît, mêlant désespoir et angoisse pour apercevoir, enfin, son image. L’instabilité de l’être est compromise et laisse entrer l’air, l’eau, les doutes, les viscosités toxiques. Dans un élan de préservation de ce bout de verre inachevé, la personne va le camoufler, le protéger, sous des mille-feuilles de verre, brillants… mais résolu à fendre à la moindre critique, échec ou coups de vent.
Dans ce besoin constant de lumière qui éclaire son image, le narcissisme devient la maison des glaces, elle se transporte et se transpose, les miroirs déformants renvoient à une vision royale, mais factice. Les tons du coloris de l’empathie s’estompent. Cette tendance semble affluer dans notre société à travers les réseaux sociaux qui montent des vitrines ambulantes de gratification instantanée défigurant la perception du monde, des autres et de soi-même. L’humain devient plus une surface plaquée réfléchissante que de substance. Le narcissisme se dote d’apparat, une certitude de grandiosité, une reconnaissance inhérente à son statut réclamant que les autres convergent leur lumière sur eux comme des miroirs bien alignés. Dans toute cette déformation, la personne garde un garde-fou, un pseudoscope permettant d’inverser la perception de la profondeur et faire réaliser, certes parfois avec du retard, l’oxydation du tain produit par les écarts de conduite et les excès franchis à son miroir et à celui des autres. De la sorte, ces personnes sont en mesure de limiter ces taches sombres par l’entremise d’une prise de conscience voire des remords.
Mais quand ces feuilles de verres deviennent une prison de verre, le narcissisme se mue en un trouble de personnalité narcissique. Les parois de glace se voient souffler à l’extrême, créant une distance entre le monde et la personne et la personne et son univers intérieur. L’identité devient alors cachée, infranchissable, sous une souffrance de morceaux de replis en de multiples tessons de verre. Ces fragments sont recouverts de couches successives de détales de reproduction dénaturée. Les plongeant dans une obscurité opaque. Sans foyer pour s’y retrouver, les personnes survivent dans l’objectif de l’autre pour ne pas se fêler, se craqueler, s’éclater. Les yeux des autres deviennent alors le seul moyen de contempler le reflet de leurs âmes. Leur oxygène devient artificiel, éphémère et suspendu par le besoin d’être vu dans l’autre, et ce coûte que coûte. Malencontreusement, le reflet n’est qu’une représentation chirale, comme une paire de gants. Elles se ressemblent sans se superposer parfaitement.
Dans ce prisme aberrant, des images déformées par un miroir courbe, des anamorphoses naissent, où les personnes perçoivent leur monde intérieur réfléchissant un succès infini, des réalisations plus grandes que nature, un amour idéique et une puissance sans limite. À juste titre, devant la somptuosité de leur essence, il n’est qu’évidence qu’elles requièrent les meilleures institutions, les plus grands experts, le meilleur matériel, l’absence de délai. Sans se rendre compte, elles projettent sur les autres la valeur idéalisée qu’elles-mêmes s’attribuent. Devant un titre moins enviable, une enseigne plus modeste, une file d’attente, la déception se transforme en dénigrement. D’un revers elles rejettent le reproche, les remises en question, pour se préserver des démons intérieurs qui remontent de manière fracassante. Devant le vide qui se débat dans leur carapace de verre, elles réclament davantage les faisceaux d’admiration d’autrui pour apaiser les tempêtes intérieures refoulées qu’elles encadrent sous une nouvelle couche de vernis. Elles ne parviennent pas à concevoir que l’adulation ne soit pas au rendez-vous, alors qu’elles ont tellement besoin de réassurance. Elles s’attendent à des privilèges depuis la veille pour les êtres lumineux qu’elles sont. Leur kaléidoscope demeure fragile aux oscillations devant des critiques réelles ou perçues tout comme au manque de reconnaissance.
Le trouble de personnalité narcissique est polymorphe, son image ondule selon l’être qu’il capture. Tantôt flamboyant, parfois victime, parfois messie autoproclamé. Ce métamorphe, tour à tour, prend à sa manière l’espace, gobe l’air dans une pièce, tord la lumière, projette son reflet idéalisé sur autrui qu’il ne considère pas si important. Un premier visage est le flamboyant, aspirant l’intégralité de l’oxygène pour édifier un miroir ardent. Puis l’édulcoré se maintient dans la superficialité, un grand rêveur de bien matériel plus grand et plus beau. Puis le toxique qui laisse paraître une surface lisse et charmeuse pour n’avoir que des bris tranchants de manipulation, de tromperie, d’exploitation d’autrui étirant le verre jusqu’aux limites sociales possibles. Le communautaire se fond plus dans la masse, mais ne parvient pas à s’y fondre. Ce grand sauveur aux causes attrayantes pour la photo instagrammable aspire à tous les éloges. Il rêve de galas et de statues à son effigie, mais derrière cette représentation se cache des pics, des morceaux affutés pour ceux qu’il considère en dessous de lui. Alors que le fonctionnel demeure sous les radars tant et aussi longtemps qu’un bris ne survient pas. Il représente ceux qui détiennent un succès sur le plan du fonctionnement social et professionnel, mais à risque de briser devant les accidents de parcours et les reproches. Puis finalement, l’hypervigilant, le replié. Il se dissimule sous un verre épais de victimisation, pour échapper à toutes formes d’humiliation, réelles ou non. Criant sans bruit des échos de n’être qu’un grand incompris.
En concevant les autres comme des instruments de vitreries spéculaires, les relations interpersonnelles se voient impactées dans l’image et la profondeur. En n’aimant que ce que lui reflète de lui-même et non leur propre lumière, les relations humaines deviennent utilitaires, unilatérales. L’importance est mise sur la façade afin que les ornements des miroirs trumeaux soient à la hauteur de ce qu’ils réfléchissent et non leur profondeur. L’apparence des élus se doit égaler la magnificence que ces personnes projettent en termes d’apparence, de statut social et économique. L’ordinaire n’a pas sa place dans la galerie de glaces. Dans une autre optique, les personnes atteintes d’un trouble de personnalité narcissique peuvent également extorquer aux autres des qualités, des ressources intellectuelles, émotionnelles, financières ou sociales qu'elles recherchent et même qu’elles devraient déjà leur appartenir. Les relations plus intimes, comme dans les relations de couple ou au sein de la parentalité, asphyxient l’environnement empêchant les miroirs des proches de s’épanouir, favorisant la courbure, fléchissant vers leurs propres aspirations. Également, ce traitement embue la vitre jusqu’à aux ténèbres, provoquant dans ce cas-ci le remplacement des proches n’étant plus qu’un attirail malcommode. Polir leur verre pour qu’il devienne du cristal demeure la priorité à travers les louanges. Obscurcir la lueur des autres en les rabaissant, dévalorisant, instillant l’envie ne sont que des insignifiants sacrifices pour une reconnaissance ultime de leur valeur. L’attitude accompagne les gestes, empreints d’arrogance, de condescendance devant ce qui est plus bas que soi.
Toutefois le manque d’empathie demeure le rayon conducteur dans l’ensemble des relations instaurant une froideur métallique, installant une vitre entre eux et le reste du monde. L’univers émotionnel est susceptible aux interférences d’autrui, il absorbe indéfiniment les éloges telle une énergie vitale, le blâme agit comme une pierre qui fend la glace, échappant un cosmos calfeutré. Le thermomètre émotionnel est altéré et se réchauffe devant l’anticipation d’une critique et s’enflamme devant l’échec et l’humiliation. Ainsi les déclencheurs semblent anodins ou même inexistants, car ils peuvent déployer cette rage si peu contenue par la paucité des outils. La rage peut jaillir, occasionnellement de façon imprévisible, comme une éclisse. Ces typhons explosifs s’abattent instantanément ou à retardement dans l’ombre sur les plus vulnérables ou ceux qui pardonneront. Si l’échec est répété ou suffisamment rabaissant, un repli social peut s’imposer comme ultime paravent à la grandiosité.
Le dénouement désiré est la transparence suprême, le cristal inatteignable. Les personnes atteintes d’un trouble de personnalité narcissique oublient que le verre de Murano, le plus grand des cristaux, est en soi unique dans leurs transparences authentiques. Les chefs-d’œuvre de verrerie ont leurs marques uniques, des bulles d’air, des marques de façonnage comme la marque du pontil qui scelle leur singularité. À force de manipuler les psychés et la réalité pour exister, elles s’acharnent sur leurs propres verres, créant un écran de fumée toxique autour d’elles. Les personnes oublient ainsi de polir leur propre éclat pour vivre.
Par Dr Katerina Sanchez-Schicharew, publié le 17-10-2025