Les types de personnalité

Paranoïaque

Qu’est-ce que la personnalité Paranoïaque?

Description courte

Le trouble de la personnalité paranoïaque se caractérise avant tout par une méfiance persistante et envahissante envers les autres. Les personnes qui présentent ce trouble interprètent souvent les comportements ou les paroles d’autrui comme étant chargés d’hostilité, de malveillance ou de menace, souvent sur la base d’indices ténus ou qui ne sont pas évidents pour les autres. Elles sont constamment sur leurs gardes et doutent des intentions des autres, et elles sont difficiles à rassurer à cet égard. Cette suspicion les pousse parfois à remettre en question la loyauté ou la fidélité de leurs proches, incluant leurs partenaires amoureux, augmentant le risque de conflits. Elles sont fortement réticentes à se confier, de peur que l’information soit utilisée contre elles. Lorsqu’elles se sentent trahies, elles gardent rancune longtemps et peuvent être animées par un désir de revanche. Ainsi, il n’est pas rare de voir ces personnes impliquées dans des litiges ou des procédures judiciaires. Elles peuvent paraître froides, rigides et sans émotions, ou au contraire, afficher des expressions hostiles ou sarcastiques qui contribuent également à accroître le risque de frictions dans les relations interpersonnelles. Toutefois, la psychothérapie peut les aider à développer une vision plus nuancée des intentions d’autrui et à assouplir leurs croyances rigides, pavant la voie à des interactions plus sécurisantes et à un sentiment de confiance accru dans leurs relations

Par Dr Dominick Gamache, publié le 22-09-2025


Méfiance soupçonneuse envahissante envers les autres dont les intentions sont interprétées comme malveillantes qui apparaît au début de l'âge adulte et est présente dans divers contextes comme en témoigne au moins 4 des manifestations suivantes

Pour qu’un diagnostic de trouble de la personnalité paranoïde doit montrer au moins 4 des manifestations suivantes :

  • Une présomption injustifiée que les autres l’exploitent, la blessent ou la trompent.

  • Une préoccupation et des doutes injustifiés quant à la fiabilité de ses amis et collègues.

  • Une réticence à se confier de peur que les informations soient utilisées contre elle.

  • Une mauvaise interprétation des remarques ou des événements sans importance comme ayant une signification rabaissante, hostile ou menaçante.

  • Une rancune tenace en cas d’insultes, de blessures ou d’affronts.

  • Une prédisposition à penser que son caractère ou sa réputation ont été attaqués et une rapidité à réagir avec colère ou à contre-attaquer.

  • Suspicions répétées et injustifiées que le conjoint ou le partenaire est infidèle.

 

Référence :


Description longue

Dès l'enfance, on apprend aux enfants à être prudents, à faire attention aux intentions d’autrui, et à ne pas accorder sa confiance à n'importe qui. Dans un monde de plus en plus connecté, l’information circule à toute vitesse, il devient nécessaire de redoubler de vigilance pour éviter les spirales conspirationnistes, les pièges de la désinformation, des fraudes, et une divulgation non consentie de nos données personnelles. Pourtant, cette méfiance ne peut pas limiter la capacité à faire confiance. En s’appuyant sur le principe de présomption d’innocence, avoir foi en l’autre est indispensable pour naviguer dans ce monde interdépendant. 

 

Le style de personnalité paranoïde va appliquer rigoureusement ces principes, avant d’offrir sa confiance qu’avec preuve à l’appui.  Cependant les personnes atteintes d'un trouble de personnalité paranoïde glissent dans une surveillance excessive et basculent vers une méfiance irrationnelle et chronique. 

 

Ces personnes anticipent systématiquement l’exploitation, la tromperie ou la trahison. Elles vont partir en croisade contre l'univers. Un état d'hypersensibilité se met alors en place où chaque geste, parole, insinuation, silence sont interprétés comme une preuve d’intentions hostiles. Un climat quotidien de suspicion fait son entrée. Ils adoptent des postures défensives tel que s'asseoir dos au mur dans une pièce pour obtenir une vue d’ensemble et protéger leurs arrières. Leur seuil de détection est minime, décortiquant et sur analysant les textes, les expressions faciales, les postures, le choix des mots, la ponctuation, la prosodie voire les lapsus. Or à force d'autopsier, les personnes peuvent se tromper ou interpréter de manière biaisé les faits anodins. L’accusation peut être conclut malgré le manque de preuves tangibles, le doute devient alors une certitude. Le verdict tombe sommairement, avant même que la personne accusée puisse témoigner. Leur quête de vérité est sous le prisme d’une méthodologie biaisée, guidée par une subjectivité déformante. Paradoxalement ils croient ardemment que tout le monde les surveille, mais ils acceptent toutes les rumeurs, les dénonciations, et les hypothèses non vérifiées. Dans cette spirale du complot, ils se comportent comme un animal blessé ne pouvant montrer un état de faiblesse. Baisser la garde revient à s'exposer à briser cette carapace et les attaches reliant leur personnalité ensemble. Recevoir un compliment ou pire leur offrir de l’aide insinue, une insulte déguisée, une accusation silencieuse de leur incompétence. Ils préféreront afficher une attitude arrogante ou hautaine dans un esprit de protection plutôt que de divulguer leur vulnérabilité. 

 

Ils ont souvent l'impression d'avoir été blessés, agressés gravement et de manière permanente par une ou plusieurs personnes malgré la vacuité des preuves objectives.

 

La pensée se rigidifie, adoptant des jugements manichéens sur le monde. Cette simplification et séparation de celui-ci permet de limiter l'ambiguïté tandis qu’elle exacerbe les préjugés en les accentuant. En analysant l’environnement par une catégorisation circonscrite, ils recherchent des confirmations à leurs croyances, en attribuant à autrui des intentions malveillantes, projetant sur le monde leurs propres insécurités. Ce mode de pensée peut mener à des formes de fanatisme, et même à l’adhésion ou la création d’un système de croyance paranoïaque partagé comme les théories du complot ou certaines sectes. Ils établissent une caisse de résonance où ils se sentent compris dans leurs craintes partagées. Ils accordent un poids considérable aux rapports de forces et à la hiérarchie où ils vont poursuivre des fantasmes grandioses et irréalistes. Leur monde émotionnel se restreint souvent à des affects tels que la colère, le sarcasme et l’entêtement. Ce détachement émotionnel fait office de bouclier afin de se protéger des menaces perçues et l’expression émotionnelle catégorisées comme faibles dont la tendresse. 

 

Ainsi lorsqu'ils rentrent en relation quelle que soit la forme et sa profondeur ils se sentent vulnérables et craignent que leurs secrets ne soient divulgués au grand jour. Ils redoutent d’avoir fait rentrer le loup dans la bergerie. C'est alors qu'il rentre dans un cycle de méfiance où ils vont tester sans relâche la loyauté de leur entourage. Dans leur esprit la définition de loyauté se dénature pour être remplacée par une dévotion irréfutable où le proche va donner le contrôle absolu à la personne.  Fidélité rime avec docilité.

La peur s’intensifie davantage tandis que les relations deviennent plus intimes tout comme le contrôle. Au sein du couple où ils vont réclamer de l'être aimé une transparence totale et consentir à un interrogatoire de leur moindre fait et gestes, de chacune de leurs paroles afin de remplir les nombreux critères autour de la fidélité qui se doit d’être absolue et incontestable. En revanche, ils sont désarçonnés lorsque leurs proches démontrent une réelle loyauté et on dit des difficultés à y croire, recherchant des arrière-pensées ou des manipulations cachées.

 

Les relations rentrent en cour, à travers d’un tribunal digne de l’Inquisition où l’autre est tour à tour accusé, jugé et condamné, sans sursis. Pour préparer ce procès, les personnes atteintes d’un trouble de personnalité paranoïde vont tout examiner à la loupe afin de mettre au grand jour tous les délits et la malveillance dissimulée. Ils représentent ainsi le juge, le jury et le bourreau. Lorsqu'ils se sentent blessés, attaqués une rancune s'instaure et la relation est alors catapultée dans cette dimension d'accusé. Le ressentiment prend alors des proportions inégalées et ces personnes passent de litiges en poursuites, multipliant les plaintes à répétition sur des sujets perçus par autrui comme insignifiants tel que le placement de tables dans un mariage. La rancune est à perpétuité. L’acquittement, la mise en appel voire le pardon sont rares. À chaque maladresse mineure déclenche une réaction hostile majeure qui va persister dans le temps. À la moindre suspicion sur une atteinte à leur réputation ou leur caractère, la contre-attaque se montre vive et intense. La nature combative est méfiante suscitant des réactions hostiles chez les autres valident leurs doutes initiaux. Finalement, la prophétie s’autoréalise. 

 

Devant ces accusations infondées, les personnes atteintes d'un trouble de personnalité paranoïde se retrouvent mises de côté, exclues et isolées par les autres. Leurs entourages, épuisés, prennent leur distance face à la quérulence.  Ultimement cela peut mener à des enjeux aussi sur la santé puisqu’ils peuvent retarder la prise en charge étant donné leur recherche de multiples avis médicaux et montre de la réticence de nouer une alliance thérapeutique, impliquant de confier leur bien-être, leur santé à un étranger. 

 

En recherchant le contrôle absolu de leur univers et recherchant l’effet rassurant/tranquillisant temporaire, leurs carences en confiance se chronicisent. Pourtant ce besoin de contrôle est le miroir de leurs propres insécurités profondes. Ils projettent aux autres la vulnérabilité qu’ils ne sont pas capables d’exprimer face à leur hypersensibilité.


Par Dr Katerina Sanchez-Schicharew, publié le 17-10-2025